La relique

Mon studio mis en location sur Airbnb à la mi-juin, j’accueille au début de l’été un couple de trentenaires néerlandais, Tom et Paullie.
D’entrée, on sympathise et sitôt la visite des lieux achevée et les clés remises aux bataves, on file tous les trois boire un verre.
Autour d’une bière fraîche, Paullie me déroule le programme du séjour : Tour Eiffel, Notre-Dame, Invalides, Sacré-Cœur…
- Les Catacombes, j’irai seule. Je veux pas rater ça et comme Tom est claustro’…
- J’aime pas trop la savoir seule dans la ville avec ce climat d’insécurité, mais bon…
- Bah perso, j’y ai jamais mis les pieds mais ça m’a toujours bien tenté. Du coup, si ça peut t’rassurer, et si ça dérange pas Paullie, j’me joindrais bien à elle.
- Aucun problème, enchaîne aussitôt le grand blond, j'préfère de loin la savoir avec le meilleur guide local à ses côtés !
Le jour de la visite, je retrouve donc Paullie à la station Denfert-Rochereau. Tandis qu’elle monte les marches de la bouche de métro, je la mate comme un affamé : débardeur blanc cintré, mini short en jean et Stan Smith ; la hollandaise m’échauffe le sang.
Arrivés sur place, on se trouve stoppés net par un barrage de police.
- Une alerte à la bombe. Ils sont en train d’évacuer le site. C’est râpé pour notre petite virée macabre.
- Du coup, tu proposes quoi ?
- Boire un verre chez moi, t’es partante ?
- Tirer un coup, quoi. Avec Tom qui m’attend sagement à l’appart’. C’est un peu glauque, tu crois pas ? Me rétorque Paullie, plus amusée qu'outrée.
- Pas pire que d’aller arpenter les allées souterraines d’un ossuaire municipal…
- Haha…Et pas de menace terroriste, c’est ça ?
- À part un attentat à la pudeur, en effet tu cours pas grand risque.
- T’es drôle et t’as du charme mais je vais décliner ton offre…Allons plutôt au Père-Lachaise, c’est sur ma to-do list.
- Décidément, t’es en mode memento mori...
- T’aurais préféré carpe diem, je sais. Mais c’est vrai, j’aime tout ce qui a trait aux restes, aux vestiges…
On passe le reste de l’après-midi à sillonner les allées pavées du cimetière mythique, croisant touristes de tous pays équipés de perches à selfie et autres volatiles sinistres.
La semaine suivante, tandis que je donne un coup de propre dans le studio en vue d’accueillir les prochains occupants, je tombe sur un string en dentelle au fond d’un tiroir de rangement. Glissé dans le tissu en fil de soie, un petit mot manuscrit : " Merci pour cet après-midi « mortel ». En espérant te donner goût aux belles reliques. P. "