Brève biblique

Ce premier samedi d’automne je me réveille chez Elise, une grande brune rencontrée la veille à une crémaillère arrosée jusqu’à la cirrhose.
« Partie bosser, fais comme chez toi ! Claque fort la porte en partant. À bientôt ? E. »
La note trouvée sur l’oreiller à peine lue, je referme aussitôt les yeux. Peine perdue, la sonnette de la porte d’entrée vient m’extirper du lit façon trouffion au son du clairon.
C’est bouille chiffonnée et tifs hirsutes que je tourne la poignée chromée et ouvre d’une main machinale.
Le type face à moi sursaute et recule brutalement, manquant de lâcher le sachet de viennoiseries qu’il exhibait crânement du bout des doigts la seconde d’avant.
- Vous êtes... ?
- Un copain d’Elise…Elle est au boulot aujourd’hui…
- Je voulais lui faire la surprise...C’est moi qui en ai une bien bonne.
- Bah moi j’dis pas non à vos cochonneries, on a fait que picoler hier.
- Et pourquoi pas…Quitte à faire dans l’absurde…
Sitôt les présentations faites je m’affale dans un des fauteuils du salon tandis que Jonathan lui file s’affairer en cuisine.
- Tu sembles bien connaître les lieux…?
- Pas assez à mon goût...
Il m’explique alors sa situation d’amant contrarié, Elise se satisfaisant largement de leurs rapports sporadiques, toujours selon son bon vouloir.
- Je la connais que depuis peu mais j’avoue, elle a un côté castrateur…
- Une Dalila à l'état pur.
- Dalila ?
- Samson et Dalila, les personnages bibliques...L’opéra de Saint-Saëns…
Tout en mordant dans un croissant je googlise les deux zigs sur mon portable histoire d’aller me recoucher chez moi moins bête.
- Ah ouais, la Dalila c’est un peu la connasse avec un grand C…Tiens, c’est programmé à l’Opéra Bastille, fin septembre…Bah invite-la, ça vous fera une sortie sympa. Et puis comme ça tu fais passer le message.
C’est repus et amusés par cette rencontre aux airs de sketch que Jonathan et moi nous quittons devant l’immeuble d’Elise, non sans s’être souhaités le meilleur pour la suite.
Le vendredi suivant, mon portable s'anime en fin d’après-midi : « Dispo troisième partie de soirée ? 3 heures d’opéra, besoin d’un bon défouloir en after. Dis-moi. E. »