Air conditionné

Plusieurs semaines déjà que Fanny tentait sans succès de me réserver un moment culbute. Récemment nommée adjointe déléguée aux affaires sociales du nouveau maire Front de Gauche de Montreuil, elle me confiait récemment par e-mail « ne pas compter ses heures, encore moins les demandes d’asile. »
C’est finalement un mardi soir qu’elle me reçoit dans son bureau, suite à une permanence tenue de 19 à 21 heures.
- On a peu de temps devant nous, mon mec s’inquiète quand je rentre tard.
- On étouffe ici.
- Il paraît qu’on est en juillet…
- Les communistes aiment pas la clim’ ?
- La sueur au front, ça nous connaît. À propos, j’espère que t’es d’humeur travailleuse ; un bail que j’ai pas pris mon pied. » dit-elle en remontant sa jupe, arc-boutée sur son bureau.
À peine deux-trois allers-retours que mon foutre monte à toute blinde. Je tente de calmer mon ardeur en fixant les affiches et tracts visibles en nombre sur les murs : des camarades, photographiés bouche grande ouverte et poing brandi, semblent comme m’exhorter au dépassement de soi via des slogans rageurs et autres accroches de circonstance : « On lâche rien ! », « La lutte c’est classe ! », « Moins d’égo, plus d’égal ! »…Peine perdue, je décharge dans un râle surjoué.
Fanny se retourne, l’air mauvais.
- DÉJÀ ?
- Navré. C’est pas faute d’avoir bataillé.
- Arrête. Si encore t’étais essouffé, le visage marqué…
- ….Rouge ? Tu sais bien, j’suis apolitique.
Elle me congédie d’un soupir, la porte se referme derrière moi dans un claquement retentissant.