Sucré, salé

La Villette, au cœur de l’été. La pelouse du parc grouille d’une foule aux yeux rivés sur l’écran de ciné en plein air. Assis en tailleur à même l’herbe, j’aperçois enfin se pointer celle avec qui j’ai rendez-vous.
- Désolée d’arriver si tard mais je ne viens pas les mains vides….J’ai du m’y reprendre à deux fois pour le glaçage de mes cupcakes !
- Miam. T’inquiètes t’as rien raté, c’est la toute fin du court-métrage qui précède le film.
- Lequel est-ce, déjà ?
- « Ken Park » de Larry Clark.
- Ah ouais…Et bien je connais pas mais j’espère que c’est frais ; besoin de me détendre, une journée difficile au taf…
- La thématique de la métamorphose adolescente revient souvent chez ce réal’ ; j’t’en dis pas plus.
- Ça me va bien ! » s’exclame la fille tout en dépliant un plaid rouge. Elle sort ensuite d’un panier de pique-nique son armada de pâtisseries multicolores.
Je passe la projection à me bâfrer ; elle ne touche pas un seul gâteau ni ne décroche un mot.
Tandis que les crédits de fin défilent, on quitte le parc.
- J’suis écœuré…
- Ah toi aussi, ça me rassure…C’était tellement malsain.
- J’parlais des cupcakes. J’ai trouvé le film sublime. Tu passes boire un verre à l’appart ?
- C’est gentil mais je vais rentrer.
Passé les portiques du métro, on se sépare d’une bise cordiale pour aussitôt se retrouver dans un pénible face à face, chacun planté sur son quai, regard obstinément fuyant. Sa rame arrive, l’avale, repart. La mienne fait de même cinq minutes plus tard.