Défonce

Depuis le périph, Paris brille au loin dans la nuit. Le bitume scintille lui aussi, pilonné par une pluie battante. Rencard chez une nana du Net logée derrière la gare du Nord. Je trouve une place dans sa rue, où ça tapine sévère le long du trottoir étriqué. Le digicode déglingué, je pousse la porte à la peinture bien écaillée.
Du hall d’entrée au pied des marches, des junkies entassés, terassés par la dope. J’enjambe les corps inertes, prends soin d’esquiver les seringues, trace ma route jusqu’aux escaliers que je monte sans me retourner.
Elle m’ouvre d’un sourire de Sainte Vierge et s’excuse d’être à moitié nue. Prise par le temps, censément. Pas décidé à la laisser aller passer une petite robe, je l’entreprends dans le salon. Préliminaires bâclés, baise expédiée dans l’angle de son canapé. On débouche ensuite une bouteille.
- Drôle de faune dans l’quartier.
- T’as eu un souci ?
- Aucun, nan…C’est plutôt folklo voilà tout, le comité d’accueil de camés. Bras tuméfiés, yeux révulsés…J’imagine la fête des voisins.
- Ils sont pas méchants, juste accros ; un peu comme toi, au fond.
- Développe ?
- Tu m’as à peine regardé en arrivant…T’avais envie d’moi ? J’en suis même pas certaine. Te fallait juste ta dose de baise. Eux c’est pareil : blanche, brune, grise, rose…Pure, coupée…Fumée, sniffée ou injectée…
- La défonce pour la défonce.
- Voilà. Du moment qu’ils planent, peu importe.
- Tu vas m’faire redescendre en piqué, là…
- Intoxiqué du cul y a plus nocif, va. » réplique t-elle en nous resservant.
Quand je pars quelques heures plus tard, c’est moins perplexe que soulagé que je retrouve le hall désert, intact.