New York, New York

Rude hiver à Paris. Une pluie battante me glace les os tandis que je pousse la porte du Harry’s Bar, le repère des expats ricains, où elle m’a fixé rendez-vous. Je la trouve au sous-sol, dans un décor tout en boiseries habillées de trophées, blasons et autres photos noir et blanc. Posée sur une épaisse banquette en velours, elle sirote un Singapore Sling au son d’un vieux standard de jazz joué par un piano délicat accompagné d’une trompette suave.
Quand j’arrive et m’installe, c’est à peine si elle lève les yeux pour les replonger aussitôt dans son cocktail rougeâtre. Mon Bloody Mary commandé, je tente de réchauffer l’ambiance sans trop y croire. Elle repart d’ici quelques jours mais ce soir, elle paraît déjà loin.
On évoque nos moments passés, son futur aux États-Unis, d’éventuelles retrouvailles dans une suite du Standard High Line, hôtel de son New-York natal.
- …Et si on pensait au présent ?
- Aller baiser chez toi…
Elle soupire, je souris, réclame la note et file aux chiottes avant qu’on n'mette les voiles.
À mon retour, je trouve une banquette désertée, la note réglée. K.O. debout, j’hésite encore à la courser quand le pianiste, sourire en coin, entame « New York, New York ». Posé sur l’instrument, son pourboire pour la dédicace.