La litanie des éoliennes

Devant mes yeux de gosse, un panorama d’éoliennes. Le cul posé dans l’herbe encore humide, j’arrache des brins verts ça et là, les fais crisser entre mes doigts. L’eau de rosée détrempe mon bermuda, je la sens s’infiltrer lentement, imbiber chaque maille du tissu. Je la laisse atteindre ma peau comme je laisse leurs voix s’engouffrer en moi, pénétrer ma caboche pour l’éternité. Enfin leurs voix ; ses gémissements conjugués aux râles de l’autre. Au début, j’ai cavalé vers la voiture, pensant que l’autre lui faisait mal ; mais en bonne maman, elle a su m’expliquer : tout allait bien, le monsieur n'était pas méchant, je pouvais m'en retourner voir mes moulins du futur, comme je les surnommais.
Les yeux rivés vers les géantes cinétiques, bercé par la lente ronde des pales, je finis par sombrer sur mon matelas de fortune, à présent tiédi par ma pisse.
Un tapotement familier sur mon épaule ankylosée me sort de ma torpeur. Elle me porte jusqu’au véhicule, m’allonge sur la banquette arrière et va s’installer au volant. Désormais, c’est juste nous dans la voiture, l’autre semble s’être volatilisé.
Une manœuvre de demi-tour et de retour sur le bitume, direction l’avion de papa qui maintenant a du atterrir.
Tandis qu’elle roule à vive allure, je me redresse et par la lunette arrière observe le champ d’éoliennes s’éloigner petit à petit. J’aimerais la questionner ; pourquoi toutes tournent dans le même sens, à même vitesse et comment tout ça est possible. Dents serrées et lèvres scellées, je les fixe tournoyer mollement jusqu’à ce qu’elles s’effacent totalement.