Les lumières de la ville

Une petite blonde rencontrée à la fin d’un concert, aux abords du stand de t-shirts. On accroche bien et du coup décidons d’aller poursuivre la soirée au bar du coin ; bientôt le patron ferme et nous fout dehors. Elle m’invite dans son pavillon, à quelques bornes de Paris, sur les hauteurs des Hauts-de-Seine. Elle en bagnole, je la suis en bécane. Ça grimpe sec.
À peine garés dans son allée, on s’attrape, se désape tout en gagnant tant bien que mal sa chambre.
Deux-trois positions plus tard, dans un râle d’épuisement, je retombe comme une masse sur le pieu. Tandis que je reprends mon souffle, la blonde va jusqu’à la cuisine, rapporte une bouteille et deux verres. On siffle son vin argentin comme du p’tit lait tout en causant musique.
Je songe à mettre les voiles quand blondie, yeux plissés, me souffle :
- On va prendre une douche ? Et qui sait, peut-être remettre ça…
- À vrai dire, j’pensais reprendre la route.
- Déjà ? Mais on l’a fait qu’une fois…T’es un fonctionnaire de la baise, toi. Et puis avec c’que t’as dans l’sang, pour peu que les flics te contrôlent…À toi de voir si tu préfères te réveiller ici avec le chant des oiseaux ou en cellule de dégrisement avec le beuglement des poulets. Enfin fais comme tu veux » achève t-elle sèchement tout en s’enroulant dans le drap.
Pris d’une bouffée d’angoisse à l’idée d’être coincé dans le bled classé "ville fleurie", je me lève un peu titubant et pars à la chasse aux fringues. La journée a été chaude ; dehors il fait noir mais bon. À poil dans l’allée de graviers, je scrute le sol, trouve une chaussette. Sur ma gauche, une parcelle de pelouse, semble t-il fraîchement tondue, m’invite à venir poser mon cul nu. Devant moi, minuscules, innombrables, les lumière de la ville. Je fixe les lueurs urbaines pareilles à des étoiles lointaines et songe à toutes ces autres vies, pas mieux, pas pires : sous un néon livide, grésillant, un cadre exténué en heures supp’ ; adossée contre un réverbère, une pute en quête de passe ; à bouquiner près d’une veilleuse, un type en instance de divorce exilé dans la chambre d’amis. Tous, le corps cerné par la nuit, léché par les ténèbres de l’existence. Le crâne plein de ces clairs-obscurs, je finis par sombrer, recroquevillé dans l’herbe tiède.