Comédie humaine

Une nuit d’été, de celles qu’on passe la journée à attendre, histoire que l’air nous brûle un peu moins les poumons. Rendez-vous chez une petite brune dénichée en terrasse de café. Orléanaise pure souche, commerciale de métier et maquée depuis belle lurette, elle loge dans un appart de famille lors de ses séjours parisiens.
Arrivé chez elle un peu avant minuit et une fois les étages grimpés, je pousse la porte entrouverte. Il fait noir comme dans un cul. Bruit d’eau qui coule en provenance de la salle de bain, j’y fonce à l’aveuglette. À peine tiré le rideau de douche, ses deux mains me chopent brutalement ; une baise d’enfer s’ensuit sous le pommeau.
On sort de la baignoire vidés, haletants, moi les vêtements dégoulinants. Nos corps mouillés à peine étendus sur le plumard, l’interphone bourdonne d’une telle force que le combiné dégringole. Ma brunette bondit et éclate en sanglots.
- C’est mon mec ! C’est SÛR !
- Bah il est pas à Orléans ?
- Il a du flairer un truc !
- Tu l’as appelé ce soir ?
- Je coupe toujours mon portable quand on se voit ! » Gémit-elle tout en le rallumant.
- Alors ?
- Douze messages…
L’interphone vrombit de plus belle tandis qu’elle écoute son mec hurler sa haine sur répondeur.
- Bon, oui, c’est bien lui qui s’excite en bas. Mon portable une fois de plus éteint après 22h, il a eu un gros doute et a pris la bagnole.
-Appelle-le. Dis qu’tu dînes avec une copine, dans un resto où ça capte mal. Précise que le quartier est mal famé, que t’es pas rassurée, demande lui de v’nir te chercher.
- Et après ?
- Bah t’attends dix minutes, le temps qu’il soit loin, et moi aussi. Alors tu rappelles et lui annonces que t’as finalement pris un taxi. Il a déjà fait tant de route pour toi, t’es touchée, etc. …Le temps qu’il revienne je serai barré et toi, rentrée entre-temps, tu l’attends ici, comme une fleur.
L’instant d’après, à poils et planqués à ras de fenêtre, on scrute la voiture du cornu s’éloigner à toute blinde. Mes fringues encore trempées sur moi, je file rejoindre ma caisse et démarre aussitôt.
Plus loin sur le trajet, le bolide du cocu passe à ma hauteur. Nos regards fatigués se croisent, se touchent, s’éloignent.