Soirée 3 *

Un ciel gris plombe Paris, il flotte à verse. Sale temps pour fourrer le nez dehors mais j’ai l’estomac vide, le frigo aussi et la nana derrière l’écran me propose un dîner chez elle.  
Sur l’unique photo qu’elle a bien voulu m’envoyer, elle y apparaît de loin, un peu floue, un peu ronde.
Sur le trajet, je relis mentalement ses mots pixellisés : « Je te préviens, je suis plus tout à fait la même ; la photo date un peu.»
Quand elle m’ouvre la porte 40 minutes plus tard, mes yeux lui donnent raison : elle fait bien 30 kilos de plus. Je reste planté sur le paillasson tandis que mon esprit turbine, à savoir se tirer fissa ou passer le pas de porte. Gargouillis dans mon bide, le ventre a tranché, j'entre.
- Bah alors, t’arrives les mains vides ? 
- Oh merde…Va surtout pas croire que j’ai des oursins dans les poches...J'ai fait vite et du coup…
- J’ai tout ce qu’il faut, va…Installe-toi, c’est bientôt prêt.
On papote en même temps qu’elle termine la tambouille,  j’en profite pour reluquer sa carrosserie : le cul qui tombe façon pare-choc arrière qui traîne par terre, un pneu en guise de hanches.
- Ca sent rudement bon…T’es dans l’Michelin ?
- Dis pas d’bêtises. Tiens, rends-toi utile, débouche le vin.
Quand on entame le plat, j’ai déjà éclusé la moitié de la bouteille.
- T’as un sacré coup de coude, dis-moi. 
- Et c’est pareil pour le coup de fourchette, tu vas voir ! 
- Et le coup de rein ? 
Elle attaque. J’esquisse un sourire un peu niais et m’empresse d’avoir la bouche pleine histoire d’esquiver la question.
La bouffe est exquise, le Pinot Noir fruité comme il faut. Je mâche religieusement chaque bouchée jusqu’à la dernière puis m’étire, repus, un peu pété.
- Tu m’as régalé, là…Ça tiendrait qu’à moi, j’t’étoilerais sur-le-champ !  
Son assiette encore pleine, elle me fixe d’un regard vorace.
- Bah alors, t’as rien mangé toi ?
- Je me réserve pour le dessert. 
- Ah, c’est quoi ? 
Sitôt ma question posée, je la regrette déjà.
Elle s’agenouille dans la seconde, tourne ma chaise d’un coup sec, ses doigts boudinés fondent sur ma braguette.  A peine le temps de réagir, j’ai le jean sur les boots et la queue dans sa bouche. Moins d’une minute plus tard, je lâche tout sans prévenir.
- Hey mais ça va pas ? et moi alors ? aboie t-elle en s’essuyant la bouche dans la nappe.
- Ben…C’était pas ça le dessert ?
- Non ça c’était la mignardise avant le dessert ! Viens, on va dans ma chambre.
- Suis pas sûr de pouvoir assurer un deuxième service, tu sais…
- T’es pas près d’avoir une étoile dans mon guide, toi.
L’instant d’après, furax, elle m’appelle un taxi.