Turkish delight

Istanbul début mai, le mercure pète le score et pas un poil de vent.
Aux terrasses de café, les Stambouliotes larvent paisiblement sous un soleil drapé dans son voile de pollution. Seul et en sueur, je vais de ruelles déglinguées désertes en artères noires de monde, continuellement hélé par les vendeurs du coin et les chauffeurs de taxi en quête d’un pigeon à plumer. Sainte Sophie, la Mosquée Bleue, le palais Topkapi…Devant tous les lieux dits « à voir », des queues longues comme à Disneyland. Je renonce et m’oriente vers un des ponts surplombant l’estuaire de la Corne d’Or.
Accoudés aux rambardes, des pêcheurs jouent du moulinet histoire de remonter leur quota de poiscaille qu’ils iront ensuite faire griller sur les stands de fast-food qui jonchent les abords du Bosphore. Des groupes accompagnés les fixent et les photographient, émerveillés.
Tout sépare touristes et locaux qui pourtant se mélangent harmonieusement. Chacun semble à sa place.
De mon côté, j’erre dans la ville comme un imam dans un sex-shop. Où que j’aille, je traîne la tenace sensation de me cogner aux quatre coins d’une carte postale. Même pas 24 heures écoulées depuis mon arrivée et déjà à me demander ce que je fous ici : parti pour fuir une emmerdeuse et voilà qu’à peine éloigné, elle me manque à crever.
Pris d’un violent gourdin rien qu’au souvenir de nos disputes toujours suivies de grandioses baises de retrouvailles, je trace jusqu’au plus proche arrêt de tram et embarque direction l’hôtel. Quelques minutes plus tard, à poil sur mon lit, nos  carcasses connectées via Skype, je m’astique furieusement le minaret sous ses yeux fourbes et satisfaits ; derrière les vitres de l’hôtel, le chant rond, capiteux, de l’appel à la prière émane des mégaphones et s’élève dans le ciel vaporeux. C’est Byzance.