Un conte parisien

Montparnasse, l’heure de la sortie des théâtres.
J’arpente les rues qui rient, râlent de spectateurs ravis, déçus. Sans même me lancer un regard, un binoclard boutonneux que j’imagine être étudiant me colle un flyer dans les mains :

 Pierre et le loup revisité

Le 1er conte pornographique pour petits et grands

Un éclairage contemporain de l’œuvre de Prokofiev

Je transforme le tract en boulette, le lance au visage bourgeonné du lunetteux puis m’éloigne l’air de rien en sifflotant le thème principal de la célèbre partition.
Alors que la foule prend d’assaut les crêperies du quartier, je sens la faim me tenailler à mon tour et décide de rentrer.
Sur le trajet du retour, un boucan de cour d’immeuble m’arrête ; une fête des voisins bat son plein autour d’un buffet bien garni. Pas léger, bras levés, je pousse la grille d’entrée et arrose l’assemblée d’un souriant «  Salut ! ». Passée la gêne générale, tous retournent à leur bavardage et j’attaque l’assortiment de canapés.
A l’écart des autres résidents,  une jeune nana fait le pied de grue, un verre de soda à la main. Je l’aborde, on papote, sous l’œil méfiant de ses parents qu’elle me désigne du menton.
Alors que la nuit s’invite, on file poursuivre la soirée sur un banc de square quelques rues plus loin,  chacun une bouteille à la main.
Quelques gorgées plus tard, tandis que sa chevelure blonde va et vient lentement sur mon membre, je me surprends à siffloter le même air que précédemment.