Visite

Arrivé à la résidence, je gare ma brèle sur le parking où stationnent en tout trois voitures. Les graviers crissent sous mes semelles tandis que j’arrange comme je peux le ballotin de chocolats dont l’emballage a pris un coup dans mon blouson.
A l’accueil derrière son comptoir, une blouse blanche à verres de lunettes cul-de-bouteille semble absorbée par une revue. Sa bouche obstruée par un doigt qu’elle utilise façon cure-dent, le « bonjour » difforme qu’elle me lance me conditionne d’entrée.
Je frappe et entre dans la chambre sous les applaudissements dictés d’un public de télévision ; sur son pieu électrique, allongée, la tête inclinée, ma vieille somnole bouche entrouverte.
Elle a déjà bien meilleure mine et les bajoues moins affaissées ; ses membres n’ont pas l’air de trembler.
Sur sa table de nuit, une grande enveloppe marron griffée d’une écriture de porc. Me mordant la lèvre jusqu’au sang, je m’isole dans la salle de bain pour consulter ses résultats : toujours un peu moins rassurants, toujours un peu plus alarmants. Le foie a trinqué mais tenu.
Mâchoire légèrement desserrée, je savonne bruyamment mes mains quand sa voix me fait sursauter :
- Tu les as pris comme j’aime, fourrés à la liqueur de Kirsch ?
Je quitte l’endroit sans dire un mot au son de la clameur plaintive des spectateurs télévisuels pour un candidat malheureux.