Dimanche, jour malade

Elle a rien, moi non plus.
Je reboutonne mon jean, dévale les marches quatre à quatre et fonce trouver la pharmacie de garde, au pire un bon samaritain.
Sitôt la porte d’immeuble franchie, mon désir s’évapore  dans l’air mou,  ensuqué,  du dimanche fin d’après-midi. Jour christique, apathique, et toujours cette foutue rengaine : entre une semaine à l’agonie et la prochaine dont l’ombre pointe, une faille existentielle qui s’ouvre pour nous happer dans un vortex maussade où l’espace d’un instant on s’interroge et songe, le doigt sur la gâchette.
Sur le trottoir en pente je dépasse un couple à poussette dont le bruit des roulettes sert de conversation. Plus loin un clodo assis en tailleur mendie machinalement sur un bout de carton. Une vieille tire, tremblotante, son caddie qui déborde de produits premier prix.  Mains dans les poches, les yeux au loin, un gosse sur son skate fond sur moi et m’évite au dernier moment.
Les rues se suivent, les faunes inutiles se ressemblent, les croix de pharmacie aussi : toutes invariablement éteintes.
Au détour d’un boulevard désert, une bouche de métro béante me souffle son haleine crasseuse, je sens germes et bactéries venir m'asperger le visage.
Enivré par la tiédeur sale, je reste là quelques minutes pour finalement faire demi-tour.