A contacter en cas d’urgence

Je pousse la porte du labo.
Silence de mort, doigts qui s’abattent sur un clavier. Un cimetière sous une pluie battante.
Derrière  le comptoir une blouse blanche les yeux rivés sur son écran me lance un bonjour mécanique.
- C’est pour ?
- Faire un test HIV mais j’ai pas d’ordon…
- Formulaire à remplir et à remettre à l’infirmière, me coupe t-elle en m’indiquant du  menton la salle d’attente.
Une femme enceinte jusqu’aux dents somnole sur l’épaule de son homme. Deux p’tits vieux bras croisés se chuchotent des bouts de phrase à l’oreille de temps à autre. Sur les genoux de son père un gamin chauve parcourt une BD en posant 30 questions / minute.
Normalité sublime. 
Et ces examens  qu’ils vont faire qui viendront la consolider: une  grossesse à risque, un glaucome détecté, une leucémie vaincue…Résultats bons, mauvais...Ça va plus loin. Ces gens vivent les uns pour les autres.
Je jette un œil au formulaire.
Nom, adresse, groupe sanguin, etc.
La p’tite vieille me prête un bic, je remplis des trous, coche des cases.
 « Personne à contacter en cas d’urgence : la catin qui me l’aura transmis, lui faire la peau ! » je songe d’un rictus intérieur en dénombrant les pointillés.
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C’est le tour de mamie, elle me réclame son bic.
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La vieille gueule, son jules s’en mêle.
Je m’excuse, la remercie, lui rend son putain de bic et quitte la salle d’attente.
A l’accueil c’est toujours pareil, mouches qui volent, doigts qui tapent. Gouttes d’eau sur pierre tombale.
Je pousse la porte du labo.